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Fin du « mirage » chinois pour les vins de Bordeaux

Les propriétaires bordelais évoquent souvent la déception chinoise. Et même le « mirage » chinois, comme si ce déclin était définitif. Car jusqu’en 2017 ce pays fut un eldorado pour les vignobles étrangers – italien, espagnol, australien et bien sûr français. Les grands comme les petits vins avaient trouvé dans cet immense territoire un débouché inespéré. Et puis la situation s’est retournée, surtout à partir de 2020.
Un chiffre résume l’effondrement de la Chine : ses importations de vins étrangers ont diminué de plus de 60 % entre 2017 et 2023, avec un gros trou d’air depuis fin 2022. La situation est telle qu’on a peine à croire que ce pays, par sa taille et sa puissance, fut le moteur de la croissance de l’industrie viticole mondiale. Laurent Fortin, directeur de Château Dauzac, se souvient de la période d’euphorie, de 2009 à 2016, où « tout le Bordelais était en Chine ». Certains châteaux y ont même concentré leurs ventes.
Le plus embêtant, explique François-Xavier Maroteaux, propriétaire du château Branaire-Ducru, est que l’appel d’air « providentiel » du marché chinois a masqué, au même moment, la surproduction de jus dans le Bordelais, au point qu’un plan d’arrachage de vignes, envisagé dès 2005, a été annulé. « Dès que la Chine a cessé d’importer, Bordeaux a été durement rattrapé par son excédent structurel de vins. »
Pourquoi la Chine a-t-elle coupé ses importations ? D’abord parce que, ayant commencé à cultiver la vigne il y a une trentaine d’années, elle est devenue un pays producteur, voulant consommer ses propres raisins, de la même façon que les Français boivent très prioritairement français ou les Italiens des vins italiens. Le pays exploite aujourd’hui 785 000 hectares, ce qui en fait le deuxième vignoble, juste derrière l’Espagne et devant la France.
Mais ce qu’il faut examiner, c’est l’évolution de la consommation de vin des Chinois. Dans les années 2010, elle s’amplifie fortement, accompagnant la croissance du pays. Les belles bouteilles sont prisées des dizaines de millions de personnes issues d’une classe moyenne qui ne cesse de grossir et qui sont avides de goûts nouveaux. L’année 2017 marque l’apogée de la consommation de vin en Chine.
Et puis tout s’inverse. Chaque année depuis six ans, le nombre de bouteilles vendues chute de 15 % en moyenne, et plus fortement encore à partir de 2022. Sans doute le Covid-19 n’a-t-il pas arrangé les choses, ni les ratés de la croissance et la crise immobilière dans le pays.
Mais la raison est autre. Passé l’excitation de la nouveauté, le goût ne prend pas. « Les Chinois n’aiment pas le vin, ce n’est pas plus compliqué que ça », dit un propriétaire du Médoc. L’écrasante majorité de la population, y compris parmi les gens aisés, lui préfère les alcools de riz ou la bière. Avec 70 millions de buveurs sur 1,4 milliard d’habitants, le vin ne représente que 1,5 % de la consommation d’alcool en Chine.
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